Bienfaits et risques cardiovasculaires du sauna
Reproduit avec la permission de l’Institut de cardiologie de Montréal et est rédigé par le Dr Daniel Gagnon, Ph. D.
Le sauna finlandais, ou bain scandinave est une activité traditionnelle pratiquée en Finlande depuis 2000 ans, qui est de plus en plus populaire ailleurs dans le monde, y compris au Québec. Il y a environ 1,6 million de saunas résidentiels en Finlande (population : 5,5 millions) où presque toutes les familles en possèdent un. Selon la tradition finlandaise, le sauna stimule la circulation et la respiration, réduit les tensions musculaires et rajeunit la peau et le corps grâce à la transpiration. Le sauna est généralement déconseillé pour les personnes atteintes de maladies cardiovasculaires, mais les études sur le sujet indiquent que les personnes qui ont une maladie cardiovasculaire (hypertension, maladie coronarienne, insuffisance cardiaque) stable et traitée peuvent utiliser le sauna sans risque pour leur santé. De plus, les données récentes indiquent que le sauna est associé à plusieurs bienfaits pour la santé, particulièrement la santé cardiovasculaire (voir aussi ces articles de revue en français et en anglais). Nous reproduisons plus bas les recommandations générales et spécifiques pour l’utilisation du sauna par des personnes atteintes d’une maladie cardiovasculaire formulées par Keast et Adamo, 2000.
Recommandations générales pour l’utilisation du sauna finlandais par des personnes atteintes d’une maladie cardiovasculaire. (Adapté de Keast et Adamo, 2000) :
Acceptable pour :
- Les personnes à faible risque (angine stable, hypertension contrôlée, insuffisance cardiaque compensée) qui prennent des bains de courte durée, à une température de 60 °C à 80 °C.
- Les personnes déjà habituées au sauna.
Contre-indiqué pour :
- Les personnes qui pourraient être en mises en danger par une réduction du débit cardiaque ou de la pression artérielle.
- Les personnes atteintes d’insuffisance cardiaque en décompensation aiguë ou de sténose aortique sévère.
- Les personnes souffrant d’angine instable.
- Ceux qui souffrent d’hypertension non contrôlée (160/95 mm Hg, l’un ou l’autre de ces chiffres).
- Les personnes qui ont consommé de l’alcool en quantité importante.
Recommandations spécifiques pour l’utilisation du sauna par des personnes atteintes d’une maladie cardiovasculaire.
- La température du sauna ne doit pas être trop chaude, soit de 60 °C à 80 °C.
- Lorsqu’elles entrent dans le sauna, ces personnes devraient d’abord s’asseoir sur les bancs inférieurs durant 2 à 3 minutes, comme période d’adaptation, avant de s’asseoir sur les bancs supérieurs (où la température est plus élevée).
- Faire de courtes séances dans le sauna (5 à 10 minutes).
- Après l’exposition au sauna, il est recommandé de bien s’hydrater pour éviter les réactions hypotensives.
- Éviter de s’immerger dans l’eau froide, un lac glacé par exemple, ou de se rouler dans la neige pour vous rafraîchir à cause du travail accru que cela impose au cœur.
- Éviter d’entrer dans un bain à remous (où la température de l’eau est généralement élevée) après le sauna.
- Selon le niveau de confort et d’énergie de la personne, les séances de sauna/repos peuvent être répétées 2 à 3 fois. Les séances de sauna peuvent être prolongées de 5 minutes à 15 minutes après une certaine adaptation. Les périodes de repos peuvent durer de 10 à 15 minutes.
Le sauna et le système cardiovasculaire
Les effets physiologiques du sauna sont résumés dans le tableau I. La température de la peau augmente rapidement jusqu’à environ 40 °C. La transpiration abondante débute peu après l’entrée dans le sauna, pour atteindre son maximum après 15 minutes, avec une quantité totale sécrétée d’environ 0,5 kg (1,1 lb) durant une séance. La circulation sanguine dans l’épiderme augmente et représente jusqu’à 50 à 70 % du débit cardiaque, alors que la circulation vers les organes internes et les muscles diminue. Le rythme cardiaque augmente à 100-150 battements par minute, ce qui a pour résultat d’augmenter le débit cardiaque qui passe de 5-6 L/min à 9-10 L/min. Les effets du bain sauna sur la tension artérielle rapportés dans la littérature scientifique sont variables.
Effet physiologique | Changement | Amplitude |
---|---|---|
Température cutanée | Augmentée | En quelques minutes, jusqu’à 40 °C |
Température rectale | Augmentée | De 0,2 °C si 72 °C (15 min) De 0,4 °C si 92 °C (20 min) De 1 °C si 80 °C (30 min) |
Transpiration | Augmentée | 0,6 à 1 kg/h si 80 à 90 °C Perte moyenne totale lors d’une session : 0,5 kg |
Flux sanguin cutané | Augmenté | De 5–10 % à 50–70 % du débit cardiaque (d’environ 0,5 à 7 L/min) |
Flux sanguin tissulaire | Diminué | Rein : baisse de 0,4 L/min Digestif : baisse de 0,6 L/min Muscle : 0,2 L/min |
Rythme cardiaque | Augmenté | jusqu’à 100 bpm (sauna modéré, individus habitués) jusqu’à 150 bpm (sauna intense, individus non habitués) |
Débit cardiaque | Augmenté | 5–6 L/min à 9–10 L/min |
Volume d’éjection systolique | Inchangé | |
Pression artérielle systolique | Inchangée, augmentée ou diminuée | Augmentation : 9 à 21 mmHg Diminution : 8 à 31 mmHg |
Pression artérielle diastolique | Inchangée ou diminuée | Diminution : 6 à 39 mmHg |
Sauna : réduction du risque d’accident cardiovasculaire fatal et de mortalité, toutes causes confondues.
Une étude de cohorte d’une durée de 20,7 années a été réalisée en Finlande auprès de 2315 hommes d’âge moyen (42–60 ans), afin de déterminer si la fréquence et la durée du sauna sont associées à un risque accru ou réduit de mortalité cardiovasculaire et de mortalité de toute cause. Après des ajustements pour des facteurs de risque cardiovasculaire et le statut socio-économique, en comparaison avec les hommes qui ne prenaient qu’un bain sauna par semaine, ceux qui en ont pris 2 à 3 par semaine et 4 à 7 fois par semaine avaient un risque relatif 22 % et 63 % moindre de mort cardiaque subite, respectivement. Des associations similaires ont été trouvées avec la mortalité causée par une maladie coronarienne, la mortalité cardiovasculaire et la mortalité de toutes causes. Il y a aussi une association favorable entre la durée des séances de sauna et la réduction du risque de mort cardiovasculaire. En effet, en comparaison avec les hommes dont les séances de bain sauna duraient moins de 11 minutes, ceux qui prenaient des bains de 11 à 19 minutes ou de plus de 19 minutes avaient un risque de mort subite cardiaque réduit de 7 % et 52 % respectivement. Une association similaire a été trouvée pour la mortalité causée par une maladie coronarienne, mais pas pour la mortalité, toutes causes confondues. Les principales critiques (voir ici et ici) qui ont été faites sur cette étude sont que :
- L’utilisation fréquente du sauna est un indicateur d’un mode de vie sain et possiblement d’un niveau socio-économique plus élevé. Il est donc possible que ce soit ces facteurs confondants qui soient la cause sous-jacente de la baisse de risque de mortalité, et non pas la fréquence du bain sauna. Les auteurs répondent que la nature de leur étude (d’observation) ne permet pas d’établir un lien de causalité étant donné que tous les facteurs confondants ne peuvent pas être complètement éliminés. Ils soulignent cependant que les associations favorables entre les séances de sauna et le risque de mortalité d’origine cardiovasculaire qu’ils ont observé augmentent avec la fréquence et la durée des séances de sauna, des caractéristiques d’une réelle association ;
- Le bain sauna peut être potentiellement nocif pour certaines personnes (en surpoids, souffrants d’une sténose aortique sévère ou d’angine instable, infarctus récent) et devrait être utilisé avec précaution. Les auteurs sont en accord et suggèrent que les personnes qui sont incapables de pratiquer un exercice physique de faible intensité devraient considérer le bain sauna avec prudence. Néanmoins, mis à part des circonstances particulières, le bain sauna (pas trop chaud) est bien toléré par la plupart des gens et est une activité relaxante qui apporte des bienfaits pour la santé.
Les décès survenant dans un sauna sont des évènements très rares. Les décès liés à l’utilisation du sauna survenus en Suède entre 1992 et 2003 ont été examinés en détail. Parmi les 77 cas recensés, 82 % étaient des hommes (la plupart d’âge moyen) et 84 % ont été trouvés morts dans le sauna. Pour 65 cas, la cause exacte ou probable de la mort a pu être déterminée : 34 (44 %) décès étaient liés à la consommation excessive d’alcool et 18 (23 %) à des causes cardiovasculaires. Les autres causes étaient la noyade (bain d’eau froide), l’intoxication au monoxyde de carbone, le manque d’oxygène (ventilateur obstrué), l’intoxication aux amphétamines et les brûlures. Tous les morts retrouvés dans le sauna étaient seuls, sauf deux personnes qui ont été retrouvées mortes ensemble. Les auteurs insistent sur le fait que les utilisateurs devraient éviter de prendre un bain sauna en solitaire, puisque c’est un facteur de risque facilement évitable. Boire de l’alcool avant de prendre un bain sauna n’est pas recommandé puisque cela fait augmenter le risque d’hypotension et d’évanouissement dans le sauna, ainsi que le risque d’arythmies et de mort par hyperthermie, particulièrement chez les personnes qui souffrent de maladie coronarienne.
Effets bénéfiques cardiovasculaires du sauna
Des études prospectives ont trouvé des associations favorables entre la pratique régulière du sauna et le risque de mort d’origine cardiovasculaire (voir plus haut) et de maladie d’Alzheimer et de démence. Plusieurs études cliniques indiquent que le bain sauna est bénéfique pour les personnes atteintes de maladie coronarienne, d’insuffisance cardiaque, de maladie pulmonaire obstructive chronique et de maladies rhumatismales (voir tableau III). Des chercheurs finlandais ont récemment fait une étude (voir les résultats ici et ici) auprès de 102 participants asymptomatiques, mais qui avaient au moins un facteur de risque cardiovasculaire. Les participants exposés au sauna pendant 30 minutes ont vu, en moyenne, leur pression systolique réduite de 137 à 130 mmHg et leur pression diastolique réduite de 82 à 75 mmHg, tout de suite après le sauna. La pression systolique est demeurée significativement plus basse 30 minutes après le sauna, comparée à celle mesurée avant le sauna. La vitesse d’onde de pouls, qui est un indicateur de l’élasticité des vaisseaux, a été réduite après le sauna, de 9,8 m/s à 8,6 m/s. Cette étude montre donc que le sauna à des effets bénéfiques sur la fonction cardiovasculaire, une baisse de la pression artérielle et de la rigidité des artères, mais ne prouve toutefois pas que le sauna prévienne le développement de maladies cardiovasculaires.
Réduction du risque d’accident vasculaire cérébral
Prendre fréquemment un bain sauna est associé à une réduction du risque d’accident vasculaire cérébral (AVC) selon une étude récente auprès de 1 628 Finlandais âgés de 53 à 74 ans qui ont été suivis pendant 15 ans. Comparé aux personnes qui ne prenaient qu’un bain sauna par semaine, le risque d’AVC était réduit de 14 % pour celles qui ont pris 2-3 bains par semaine, et de 61 % pour celles qui ont pris 4 à 7 bains par semaine. Ces associations favorables persistent même après avoir tenu compte des facteurs de risque de l’AVC, soient l’âge, le sexe, le diabète, l’indice de masse corporel, la dyslipidémie, la consommation d’alcool, l’inactivité physique et la situation socioéconomique.
Réduction du risque de pneumonie
Le bain sauna est associé à une réduction du risque de pneumonie selon une étude finlandaise auprès de 2210 hommes âgés de 42 à 61 ans qui ont été suivis sur une période de 25 ans. Comparé aux personnes qui ne prenaient qu’un bain sauna par semaine, le risque de pneumonie était réduit de 28 % pour celles qui ont pris 2-3 bains par semaine, et de 37 % pour celles qui ont pris 4 bains ou plus par semaine. Ces associations favorables tiennent compte de plusieurs facteurs de risque, incluant l’indice de masse corporelle, tabagisme, diabète, maladie coronarienne, asthme, bronchite chronique, tuberculose, scolarité, cholestérol total, la consommation d’alcool, l’inactivité physique et la situation socioéconomique.
Tableau II. Effets bénéfiques du sauna.
Effet | Maladie | Référence |
---|---|---|
Réduction de la pression artérielle moyenne et systolique, réduction de la résistance vasculaire | Hypertension | Gayda et coll., 2012 |
Diminution du risque de développer la maladie (étude prospective) | Hypertension | Zaccardi et coll. 2017 |
Augmentation du volume d’éjection systolique, baisse de la pression diastolique et baisse des pressions de remplissage cardiaques | Insuffisance cardiaque | Tei et coll., 1995 |
Réduction de la pression systolique, amélioration de la fonction endothéliale | Insuffisance cardiaque | Kihara et coll., 2002 |
Réduction de la pression systolique et diastolique, amélioration de la fonction endothéliale | Maladie coronarienne | Imamura et coll., 2001 |
Ischémie réversible lors du sauna chez les coronariens stables | Maladie coronarienne | Gianetti et coll., 1999 |
Réduction de la rigidité artérielle | Sujets asymptomatiques | Laukkanen et coll., 2017a ; Lee et coll., 2017 |
Amélioration de la fonction pulmonaire | Maladie pulmonaire obstructive chronique | Laitinen et coll., 1988 ; Cox et coll., 1989 |
Réduction de la douleur | Maladies rhumatismales | Isomäki et coll., 1988 ; Nurmikko et coll., 1992 |
Réduction du risque de mortalité d’origine cardiovasculaire (étude prospective) | Laukkanen et coll., 2015 | |
Diminution du risque de développer la maladie (étude prospective) | Démence, Alzheimer | Laukkanen et coll., 2017b |
Réduction du risque d’accident cérébral vasculaire (étude prospective) | Kunutsor et coll., 2018. | |
Réduction du risque de pneumonie | Maladie respiratoire | Kunutsor et coll., 2017. |
Saunas à infrarouge lointain
Les saunas à infrarouge (SIRL) sont en vente libre au Canada et une revue critique de la littérature sur ses bienfaits pour la santé a été publiée en 2009. Ce type de sauna, dont une version japonaise est nommée Waon therapy, utilise une température plus basse (60 °C) que le sauna finlandais (80-100 °C). Les séances dans une cabine munie d’éléments à rayons infrarouges durent 15 minutes et sont suivies d’une période de 30 minutes ou le baigneur est emmailloté dans une couverture pour maintenir une température corporelle élevée. Enfin, les utilisateurs sont réhydratés pour compenser la perte d’eau par sudation. Dans des modèles animaux, ce type de sauna à basse température améliore la fonction endothéliale vasculaire et fait augmenter l’activité de l’oxyde nitrique synthase endothéliale (eNOS), une enzyme qui catalyse la production de monoxyde d’azote dans les cellules endothéliales, avec un effet vasodilatateur et une baisse de la pression artérielle. Le sauna à infrarouge procure des bienfaits pour les personnes susceptibles de développer une maladie coronarienne ou qui sont atteintes d’insuffisance cardiaque ou de maladies artérielles périphériques, et il améliore la qualité de vie des patients souffrants d’insuffisance cardiaque, en augmentant l’appétit et le bien-être en général. Cette thérapie pourrait être aussi bénéfique pour les personnes légèrement dépressives, en améliorant l’appétit et l’humeur.
Cet article provient de l’Institut de cardiologie de Montréal et est rédigé par le Dr Daniel Gagnon, Ph. D.